Panafricanisme en marche

INTRODUCTION
Dans l'article précédent concernant le panafricanisme, nous avons abordé des questions telles que la volonté d'unité dans l'ère précoloniale de l'Afrique, la définition étymologique et historique du panafricanisme, la volonté de créer un espace fédéral dans un monde multipolaire , la résistance dans les Amériques, le garveyisme, l'indépendance des pays africains, puis de l'Organisation pour l'unité africaine. Depuis la création de cette dernière, la lutte panafricaniste n'a jamais cessé. Nous sommes passés d'une dénonciation du colonialisme et du néocolonialisme, à la volonté de la jeunesse africaine, d'une souveraineté intégrale face aux nouvelles forces coloniales représentées par le mondialisme.
LE PANAFRICANISME AU XXIEM SIÈCLE : DE KADHAFI À LA RÉSISTANCE CITOYENNE AFRICAINE

Au cours de son existence, l'OUA (l'organisation pour l'unité africaine) a été incapable de résoudre la plupart du temps les problèmes internes du continent africain et cet échec a conduit à la dissolution de l'organisation, pour céder la place à l'Union africaine (officialiseéé le 9 juillet 2002).
Mais bien que cette dernière se soit présentée comme une structure panafricaniste, ce n'est en réalité qu'une sorte d'« Union européenne 2.0 », une structure imprégnée de néolibéralisme dans le domaine économique,  qui suit donc l'agenda du globalisme et est financé par des forces extérieures (l'Union européenne, les États-Unis, entre autres).
Il faut se demander : comment peut-on parler de développement - ou pire encore - de panafricanisme si ceux qui vous financent sont les mêmes qui vous paralysent ?
L'Union Africaine est aujourd'hui dans un état d'asphyxie, de paralysie, de sopor et dépendante des autres. On pourrait donc définir - pour reprendre un néologisme employé par Kemi Seba dans son livre Black Nihilism publié en 2014 - cette structure n'est pas panafricaniste, mais ''para-fricaniste''. Si le panafricanisme représente cette pensée de libération et d'unité pour le continent africain, plébiscitée par les masses populaires, le para-fricanisme est, selon Kemi Seba, une pseudo-grille de lecture de l'unité africaine, qui consiste à voir le continent africain selon la lentille eurocentriste et élitiste. Pourquoi une telle affirmation ? Car si l'africanisme représente l'étude de tout ce qui concerne l'Afrique, ce dernier est presque toujours mené dans une perspective eurocentrée. Dans la sphère politico-économique, l'UA suit le modèle de l'Union européenne. L'Union africaine dans ses nombreuses lacunes n'a donc pas été en mesure de résoudre les problèmes les plus fondamentaux du continent africain.

Pourtant, un homme comme Mouammar Kadhafi (1942-2011) avait compris ces enjeux et considérait l'UA comme obsolète et incapable de résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux de l'Afrique.
C'est pourquoi il a décidé, lors de sa présidence de l'UA en 2009, de re-proposer la question des Etats-Unis d'Afrique, unis par un gouvernement unique, une monnaie souveraine unique, un passeport africain commun et une armée panafricaine unique.  Kadhafi considérait, comme ses prédécesseurs, que seule une Afrique véritablement unie, pourrait être en mesure de surmonter tous les problèmes auxquels elle est confrontée tels que : le manque de souveraineté monétaire de 14 nations africaines, la faiblesse des armées nationales incapables de faire face l'avancée du fondamentalisme islamique (des armées sous-armées, à le preciser aussi), l'impossibilité pour les Africains de certaines régions continentales de se déplacer vers d'autres et le faible taux d'échanges entre les nations africaines, car trop dépendantes des puissances étrangères. Au début de ce XXIe siècle, ce sont des questions que Kadhafi avait beaucoup abordées lorsqu'il etait en vie. Il à commencé à Lomé (Togo) en 2000  lorsqu'il a commencé à proposer l'initiative des États-Unis d'Afrique (6), puis à Conakry (Guinée)  en 2007 et plus tard à Addis-Abeba (Éthiopie) au sein de l'Union africaine. L'initiative d'une Afrique fédérale a été bien acceptée et partagée par plusieurs chefs d'État du continent, à la seule exception de l'Afrique du Sud et du Nigeria qui à l'époque étaient moins intéressés.
Kadhafi a travaillé sur le projet du dinar-or, espérant la mise en place d'une monnaie continentale unique qui aurait du être arrimée, principalement à l'or, mais aussi aux diverses ressources minérales du continent africain. La Libye avait réussi à accumuler une grande quantité d'or grâce aux revenus pétroliers et avec cet or elle voulait se libérer de la domination impérialiste occidentale sur son territoire. Cette dynamique aurait pu permettre un décollage économique en Afrique et aurait garanti la souveraineté de toutes ces nations africaines sous otage du colonialisme economique. Parallèlement à cela, Kadhafi pensait que l'Afrique aurat du avoir un Fond monétaire africain et une Banque centrale africaine pour garantir le statut de la futur dinar d'or.
Un autre grand problème pour lequel il s'est battu était la création d'un passeport africain. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, les Africains de la zone CEDEAO (Communauté Economique des Etats d'Afrique Occidentale), ne peuvent se déplacer librement vers les pays de la zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale). Un seul passeport africain aurait pu éradiquer à jamais ce problème et faire de la libre circulation, un projet dont Nkrumah rêvait à l'époque, une réalité.
Kadhafi était déterminé dans ses actions, mais ses projets représentaient un grand danger pour les puissances exogènes qui voyaient dans tout cela la destruction de leurs intérêts en Afrique. Raison pour laquelle, les mêmes puissances impérialistes (France, Union européenne, Royaume-Uni, États-Unis à travers l'OTAN) ont orchestré l'assassinat de Kadhafi, décédé le 20 octobre 2011. Kadhafi représentait le dernier espoir du processus d'unité continentale initiée par les patriarches du panafricanisme. Par conséquent, sa mort a eté une tragédie, car elle a représenté le dernier bastion de la solidarité africaine, de l'équilibre et de la stabilité dans la mer Méditerranée, cette mer qui depuis quelques années est devenue un cimetière à ciel ouvert, qui voit une immigration thalasique, suite à la mal-gouvernance africain et au pillage systémique des matières premières africaines par les multinationales occidentales.
Aussi discutable que puisse être Kadhafi sur certains aspects, sa mort a été un désastre à bien des égards.
Pourtant son assassinat n'a jamais découragé la jeunesse africaine indomptable et recherchant sa souveraineté intégrale. Il existe aujourd'hui une nouvelle génération panafricaniste, en Afrique et dans la diaspora, mûre sur de nombreuses questions qui ont compris le danger qui pèse sur le continent.
Le panafricanisme a connu plusieurs phases de changement depuis sa genèse : la résistance contre l'esclavage dans les Amériques (le fameux marronage), la lutte contre le colonialisme à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la résistance au néo-colonialisme à partir de 1960 jusqu'à arriver au dernier stade représenté par le mondialisme néolibéral généralisé d'aujourd'hui. Un mondialisme qui étouffe le continent africain mais, en réalité, lorsqu'il est analysé c'est une métastase qui nuit à l'ensemble de l'humanité.
Au siècle dernier, le colon capitaliste toubab a pénétré en Afrique et exploité les territoires qu'il a rencontrés sur son chemin (souvent avec le laxisme et la complicité des autorités locales qu'il a rencontrées).
Aujourd'hui, le colonialiste moderne a compris que pour maintenir sa suprématie il doit faire penetrer en Afrique des ONG apatrides '' thalassocratiques '' suivant un agenda ultra-globaliste afin de les introduire dans les sociétés traditionalistes africaines ultra-millénaires, pour coopter la société civile autoctone enraciné et la convaincre que la modernité occidentale (qui n'est autre que l'illustration d'un concept métaphysique hindou développé par Réné Guénon connu sous le nom de '' kali yuga '', c'est-à-dire l'âge sombre du désordre, du matérialisme, de l'individualisme, de l'anti-Messie) est leur salut, et que tout ce qui vise leurs valeurs traditionnelles est à vaincre ou à diaboliser. Bref, que l'Eldorado est l'Occident.
C'est donc ici qu'entre en jeu la lutte entre les civilisations tellurocratiques (les civilisations multipolaires de la Terre, la Tradition, l'Identité, la souveraineté) contre les civilisations thalassocratiques (les civilisations impérialistes qui se sont construites grâce à l'exploitation maritime, le mondialisme, le néolibéralisme, l'unipolarité, la modernité et le capitalisme déréglementé).
C'est dans cette dichotomie que la jeunesse africaine se retrouve aujourd'hui face à de nouvelles forces exogènes de domination.
Par conséquent, ces ONG mondialistes qui penetrent en Afrique, qui n'ont été plébiscitées par personne, représentent un danger pour l'Afrique. Kwame Nkrumah dans son livre Neo-Colonialism: The last stage of Imperialism a parlé du néo-colonialisme comme de la dernière étape de l'impérialisme. Je dirai, que aujourd'hui le vrai ennemi est mondialisme (qui est un peu different de la mondialisation). Pour cette raison, ils existent aujourd'hui des mouvements de résistance africains comme Urgences Panafricanistes qui ont décidé de se battre et de résister face aux nouveaux dangers de l'Afrique.

Le Front Anti-CFA, Urgences Panafricanistes et les mobilisations interafricaines contre le Franc CFA

Le franc CFA est une monnaie du patrimoine colonial français, imprimée par la Banque française et affiliée à l'euro, qui paralyse l'économie africaine locale et prive quatorze nations africaines de leur droit inaliénable à la souveraineté monétaire.
Le franc CFA représente le dernier vestige du néocolonialisme français, du néolibéralisme et represente le symbole d'une finance apatride qui par son imposition en 1945 a détruit le sort economique (mais aussi politique) de la zone franc de l'Afrique.

Entre 2016 et 2017, Urgences Panafricanistes a organisé des mobilisations simultanées à travers le continent et dans la diaspora contre le néo-colonialisme, qui ont fait écho à l'échelle mondiale.
Urgences Panafricanistes (URPANAF) est une ONG internationale africaine, fondée en 2015 et présidée par l'activiste anticolonialiste Kemi Seba  (figure de proue de la résistance africaine au XXIe siècle). Idéologiquement panafricaniste et souverainiste, Urgences Panafricanistes a fondé un an après sa naissance le Front Anti-Cfa (Front Anti-Colonialisme Français en Afrique), un réseau qui regroupe plus de 130 organisations panafricaines contre la Françafrique (neocolonialisme monetaire, militaire, politique..).

Le Front Anti-CFA est devenu un promoteur et un acteur de la question de la souveraineté monétaire. Le 19 août 2017 , date à laquelle s'est organisée une grande mobilisation internationale et à laquelle le militant Kemi Seba a brûlé - non pas en tant qu'acte de vandalisme mais en tant qu'acte symbolique et de contestation pacifique -un billet de 5 000 francs CFA, déclarant à la fin de la mobilisation :
'' Au 21ème siècle, normalement, chaque peuple a le droit de posséder sa propre monnaie, et de décider de son propre avenir politique. Mais aucun avenir ne peut se décider sans la maitrise de son économie. Nous avons des forces exogènes, en l’occurrence la Banque de France, qui a le droit de dire si oui ou non elle est d’accord avec les décisions que nous prenons. Cela montre que nous avons une monnaie qui est caduque, qui est une monnaie de servitude, d’esclavagisme, et de soumission. Le symbole recherché en brûlant ce billet, même si nous ne sommes pas riches, mieux veut vivre la liberté dans l’incertitude que l’esclavage dans l’allégresse et l’opulence.''
Pour ce geste, il a été arrêté au Sénégal et libéré (et expulsé vers la France après une semaine) au bout de quelques jours à la suite de mobilisations massives de la société civile sénégalaise et africaine sur le continent, qui réclamaient sa libération.
Les mobilisations anticoloniales ont suscité un écho mondial. Nous parlons des mobilisations pacifiques et anticolonialistes qui ont contraint la France à revoir la question monétaire africaine, et un an plus tard , un projet d'une nouvelle monnaie unique ,l'ECO, est annoncé. Une monnaie qui n'est pas encore en vigueur, mais qui devraient etre mise en place dans les pays de la Zone Franc en Afrique de l'Ouest, y compris les pays anglophones Nigeria et Ghana) de cette région. Mais le système de cette future monnaie est critiqué par la société civile africaine pour certains critères qui n'ont pas été éliminés, comme l'affiliation pérenne à l'euro. Il est également critiqué par le gouvernement ghanéen de Nana Akuffo-Addo et Muhammadu Buhari qui s'est opposé à l'affiliation à l'euro, exigeant que doivent etre les Africains gèrent leur nouvelle monnaie. Une maturité de la situation, dont, humblement, le mérite revient au Front Anti CFA, fondé par Urgences Panafricanistes de Kemi Seba.
Y a-t-il un espoir pour le panafricanisme ?
Il y a de l'espoir pour la cause panafricaniste, dans le champ sociale et populaire. Parce qu'il y a une conscience générationnelle jamais vue auparavant. La volonté d'unité, construction d'un État fédéral panafricain, la critique des bases militaires occidentales et des multinationales étrangères sur le sol africain, la volonté de souveraineté, mais surtout, la critique de la mal-gouvernance et de la corruption interne. Tous ces facteurs, contrairement à la caricature médiatique d'une Afrique passive et silencieuse, doivent nous pousser à penser positivement. La nouvelle génération africaine et afro-descendante est debou. Le résultat sera visible dans quelques années.