Fédération impériale ouverte

À mon avis, les craintes (pour certains, les espoirs) que la Russie réduise à un moment donné l'Opération militaire spéciale devraient in fine être écartées. Cela n'arrivera pas parce que cela ne peut pas arriver. D'une certaine manière, rien de subjectif dans mon affirmation.

Mais où s'arrêtera-t-on ? Il est impossible de le dire avec certitude. Et le plus important : Kherson, Zaporozhye et une partie de la région de Kharkiv s'intègrent activement dès maintenant, donc, en fait, la Novorossiya - même si ce n'est pas encore tout à fait le cas - est désormais en bonne voie de réalisation. Et ce processus est irréversible. Je suis sûr que nous allons continuer, mais pour l'instant, faisons le point sur ce que nous avons déjà obtenu.

Qu'est-ce que la Novorossiya ?

Définissons, cette fois, cette réalité passée et à venir sans pathos.

Le processus de réalisation de la Novorossiya signifie que la Russie a historiquement et irréversiblement transcendé la forme qu’est l’État-nation et n'est plus seulement la Fédération de Russie au sens strict.

Il s'agit désormais d'une Fédération impériale ouverte, tout à la fois russe et eurasienne. La fraternité de combat entre Tchétchènes, Russes et autres peuples sur les fronts ukrainiens, le passage à nos côtés de nombreux Petits Russes (= Ukrainiens) qui choisissent l'Empire, tout cela est le triomphe de l'Eurasisme. Et ceux qui tentent de s'accrocher au nationalisme, quel qu'il soit - ukrainien, grand-russe ou séparatiste - sont clairement dans les rangs des traîtres sous nos yeux. Comme l'a dit Alain de Benoist : "Le conflit en Ukraine est la bataille de l'Empire contre l'Etat-nation".

La Fédération ouverte n'inclut pas seulement de nouvelles terres. Chaque nouvelle zone modifie les limites de l'ensemble. Les bords dessinent une forme, une silhouette. Et la forme, c'est l'identité. Si les bords sont ronds, c'est un cercle. Si elles sont carrées, c’est un carré. Si Kherson, Zaporozhye, le Donbass et la Crimée se trouvent de ce côté, alors le pays a une vision. Si ces zones territoriales demeurent de l'autre côté – elles reposeront sur une autre vision, bien distincte. Une forme différente, un pays différent, une essence différente.

Il est logique que la Novorossiya ait été transférée à la juridiction des départements de politique intérieure de la Russie. Cela insuffle de la confiance et un sentiment de sécurité à nos nouveaux citoyens, à nos combattants et à notre peuple. Merveilleux !

Maintenant, il est nécessaire de placer les mêmes départements politiques internes dans un nouveau contexte, cette fois eurasien. Et cela signifie que, dans la nouvelle configuration des frontières, la signification de ces zones change également, elles qui étaient auparavant intérieures, se retrouvent à l’intérieur. Après tout, il y a vingt ans, les frontières posaient des problèmes particulièrement aigus dans le Caucase. Progressivement et très efficacement, Poutine en a supprimé la netteté, a supprimé le séparatisme et a consolidé les régions en un seul espace. Et aujourd'hui, les héros tchétchènes et nord-caucasiens se battent pour la Russie au coude à coude avec les Russes.

Cependant, lorsque la Russie inclut la Novorossiya, elle inclut non seulement des territoires à considérer sur le plan quantitatif, mais englobe aussi des caractéristiques qualitatives. Cela concerne la Sibérie, la région d'Oryol, le territoire de Krasnodar et les zones arctiques. Ce sont désormais les territoires de la Russie-Eurasie, une Fédération ouverte, et non plus un simple État-nation, selon le principe résiduel qui s'est développé sur les ruines de l'Empire russe et de l'URSS. Cela signifie que la politique intérieure change de sens. Elle cesse d'être exclusivement interne, elle doit nécessairement prendre en compte l'intégration, non seulement de nouveaux, mais aussi d'anciens domaines.

Et ici, nous pouvons procéder de deux manières :

la russification

ou

la diversification eurasienne tout en maintenant l'unité impériale stratégique.

Dans le premier cas, la Grande Russie est conçue comme une version étendue de l'État-nation, c'est-à-dire comme une échelle purement quantitative de la Fédération de Russie. Ce n'est pas une mauvaise chose dans un premier temps, mais considéré sur le long terme, une telle perspective s’avèrera extrêmement instable et même dangereuse.

Prenons l'exemple de la Tchétchénie elle-même sous Kadyrov : l'aîné et le cadet. Moscou, avec clairvoyance, est allé donner à la Tchétchénie un plus grand degré d'autonomie culturelle et religieuse, c'est-à-dire a proposé une solution différenciée selon le scénario eurasien. Et il n'y avait pas besoin de russification artificielle. La loyauté de la Tchétchénie profondément islamique envers la Russie est maximale. Nous préservons l'identité locale, tout en proposant une verticalité stratégique solide. Voilà ce qui fonctionne. C'est la diversification eurasienne. En d'autres termes, l'art de construire un empire. C'est cela, l'Empire.

Une telle décision doit inévitablement être prise au niveau de la politique intérieure de la Russie dans la nouvelle phase actuelle de son histoire. L’irruption de la Novorossiya dans le jeu impérial en cours exige un changement sérieux en ce qui concerne les jalons à poser. La technocratie et le pragmatisme sont utiles, ici, pour faire des choix stratégiques.

La Russie, qui est devenue une Fédération ouverte, c'est-à-dire une Russie-Eurasie, doit d'abord se repenser. Et seulement ensuite lui donner un armature technique.

Chaque jour, l'opération militaire spéciale rend cette remise en question de plus en plus urgente. La forme de nos frontières a déjà été modifiée de manière irréversible et continuera de l'être. Cette forme est homologue (homothétique, comme disent les mathématiciens) aux figures de notre pensée politique, y compris la pensée politique que nous avons développée sur le plan interne.

Existe-t-il une instance dans la structure de l'administration de l'État où ces questions sont comprises au niveau approprié ? S'il y en a une, tant mieux. Si ce n'est pas le cas, il faut la créer. S'il y en a une, mais pas au niveau approprié, il faut la mettre en œuvre rapidement. Laissons ces questions ouvertes pour l'instant. L'essentiel est que cela arrive. Nous allons de l'avant.

Traduction par Robert Steuckers