L'étoile d'Ishtar : un symbole multipolaire pour un avenir multipolaire

Je voudrais présenter l'étoile d'Ishtar, le symbole de l'Eurasianisme. Le symbolisme de cette icône est si puissant et, à mon avis, nécessaire pour une compréhension plus profonde de l'avenir de notre monde.

L'étoile a 8 pointes qui se ramifient dans 8 directions différentes. Le centre est le pôle spirituel, le noyau unique, celui de Plotin et des Pères grecs, mais aussi le noyau divin que nous livre la tradition extrême-orientale. Les huit flèches propagent cet Esprit à toutes les frontières, traçant des chemins et écrivant des histoires et des anthropologies différentes, certes, mais partageant toutes la même origine et le même sens profond. Les 8 flèches sont également 8 directions de construction de la multipolarité, nous rappelant l'approche multidimensionnelle dont nous avons besoin. La réalité dans laquelle nous vivons est une fractale non seulement au niveau de la physique, des sciences physiques, mais aussi au niveau de la culture, des civilisations, de la géopolitique, dont nous discutons ensemble aujourd'hui. Cette multidimensionnalité est désormais incontournable et nous rappelle que le monde est un système complexe, dont l'explication n'est pas simple et que, par conséquent, nous ne pouvons pas écarter ou vivre avec superficialité. La connaissance est un devoir pour l'être humain.

En descendant un peu plus dans l'aspect ésotérique, réservé, sacré du symbole, on note numériquement 8 points, où 8 est le nombre sacré des béatitudes et de la perfection d'un ordre complet, mais aussi de la création et du passage à quelque chose de nouveau ; c'est le nombre de la Mère de Dieu, celle qui engendre le Logos christique dans le monde et rachète l'humanité entière ; c'est le symbole de la géométrie sacrée par excellence, où les 8 points se lient et se croisent, créant un réseau de lignes, d'angles, de proportions qui s'ouvrent sur plusieurs plans et manifestent l'entité dans la matière. Nous avons donc un symbole très puissant, une clé de compréhension du temps présent, qui sert de lien entre la Tradition et l'exploration de la nouveauté, une sorte de portail vers la pluralité de ces dimensions existentielles qui composent la multipolarité.

Nous ne pouvons donc pas renoncer à cette dimension élévatrice. La métaphysique de la multipolarité est une métaphysique aux directions nouvelles, inexplorées. L'accepter n'est pas facile, car cela signifie devoir renoncer partiellement à beaucoup de nos croyances ; mais c'est indispensable, car sans considérer toutes les directions, même opposées, nous ne parviendrons jamais à une véritable multipolarité. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à nous-mêmes ou qu'il faille tout détruire. Le nihilisme multipolaire est une question de transmutation intérieure, pas de destruction existentielle, c'est tout à fait différent. Il s'agit de prendre conscience que tout fait partie d'un ordre de perfection divinement établi, où la carte n'est pas le territoire, de sorte que notre vision individuelle est inévitablement imparfaite et a besoin du soutien de celle des autres. La multipolarité est anti-individualiste et nous rappelle l'importance de l'in-individuel, qui est indivis, unique, entier.

La compréhension de la métaphysique multipolaire passe, à mon avis, par l'expérience intérieure de la mort et de la rédemption, de la transmutation alchimique qui a un aspect et un effet politiques, comme le professeur Douguine l'a expliqué à plusieurs reprises dans ses écrits. Le multipolarisme doit être une caractéristique, un style, pas seulement un concept, et c'est ce que nous voyons aujourd'hui : pendant des années, nous avons considéré le multipolarisme comme une théorie, aujourd'hui nous sommes entrés dans une nouvelle ère où le multipolarisme sera le thème principal.

Le multipolarisme, un concept novateur d'avant-garde

La théorie multipolaire est une tendance particulière qui ne peut être qualifiée de manière simpliste en termes de progrès/conservatisme, ancien/nouveau, développement/stagnation, etc. La vision unipolaire de l'histoire et, par conséquent, la perspective mondialiste présentent le processus historique comme un mouvement linéaire du pire vers le meilleur, du sous-développement vers le développement, etc. La mondialisation est ainsi perçue comme l'horizon d'un futur universel, tandis que tout ce qui l'entrave est perçu comme l'inertie du passé, l'atavisme ou la volonté de préserver le statu quo à tout prix. En vertu de cette attitude, le mondialisme et la "civilisation de la mer" tentent également d'interpréter le multipolarisme, qui est interprété exclusivement comme une position conservatrice de résistance au "changement inévitable". Si la mondialisation est le postmoderne (la société globale), le multipolarisme est présenté comme une résistance au postmoderne (dans lequel des éléments du moderne et même du prémoderne sont présents).

Il est en effet possible d'envisager les choses sous un angle différent et de mettre de côté le dogme du progrès linéaire (ou "processus monotone"). La notion de temps en tant que catégorie sociologique, sur laquelle se fonde la philosophie de la multipolarité, permet d'interpréter le paradigme général de la multipolarité dans un cadre de référence totalement différent.

Le multipolarisme, par opposition à l'unipolarité et au mondialisme, n'est pas simplement un retour au passé, une invitation à maintenir les choses en l'état. Le multipolarisme n'insiste pas sur la préservation des États-nations (le monde westphalien), ni sur la restauration d'un modèle bipolaire (le monde de Yalta), ni sur le gel de l'état transitoire dans lequel se trouve aujourd'hui la vie internationale.

Le multipolarisme est une vision de l'avenir (jamais vue auparavant), un projet d'organisation et d'ordre mondial basé sur des principes et des fondements entièrement nouveaux, une révision sérieuse des axiomes sur lesquels repose la modernité au sens idéologique, philosophique et sociologique.

Le multipolarisme, comme l'unipolarisme et la mondialisation, vise à construire quelque chose qui n'a jamais existé auparavant, la tension créatrice de l'esprit libre, la quête philosophique et l'aspiration à construire une société meilleure, plus parfaite, plus juste, plus harmonieuse et plus heureuse. Mais seule l'image de cette société, ses principes et ses valeurs, ainsi que les méthodes pour en construire les fondations sont considérées comme radicalement différentes (par les mondialistes). Le multipolarisme voit l'avenir comme multidimensionnel, variable, différencié, hétérogène, conservant une large palette de choix d'auto-identification (collective et individuelle), ainsi que les moyens tonaux des sociétés voisines, avec une superposition de différentes matrices d'identification. C'est un modèle de "complexité florissante" du monde, où de nombreux lieux se combinent avec de nombreux temps, où des acteurs collectifs et individuels de différentes échelles entrent en dialogue, clarifiant, et parfois transformant, leurs identités au cours de ce dialogue. La culture, la philosophie, la politique, l'économie et la technologie occidentales sont considérées dans ce monde futur comme un phénomène local, qui n'est en rien supérieur à la culture, à la philosophie, à la politique, à l'économie et à la technologie des sociétés asiatiques et même des tribus archaïques. Tout ce à quoi nous avons affaire sous la forme d'ethnies, de peuples, de nations et de civilisations différents sont des variations égales de la "société humaine" (Menschliche Gesellschaft), certaines "enchantées" (M. Weber) et matériellement développées, d'autres pauvres et simples, mais "enchantées" (M. Eliade), sacrées, vivant en harmonie et en équilibre avec l'existence environnante. Le multipolarisme accepte n'importe quel choix de société, mais chaque choix n'a de sens que s'il est lié à un espace et à un moment historique, et reste donc local. La culture occidentale elle-même, perçue comme locale, peut être admirée et regardée, mais sa prétention à l'universalité et sa séparation du contexte historique en font un simulacre, un "pseudo-occidental", une caricature et un kitsch. D'une certaine manière, c'est ce qui est arrivé à la culture américaine, dans laquelle l'Europe est facilement reconnaissable, mais une Europe hypertrophiée, stérilisée, dépourvue d'harmonie interne et de proportion, de charme et de tradition, une Europe en tant que projet universaliste plutôt qu'en tant que phénomène historique et spatial organique, bien que complexe, paradoxal, dramatique, tragique et contradictoire.

Postmodernité multipolaire contre unipolaire (mondialiste/anti-mondialiste)

Lorsqu'il s'agit de mesurer les choses dans le monde de demain, la théorie multipolaire et le postmodernisme commencent à présenter de sérieuses contradictions. Le postmodernisme libéral et néo-marxiste fonctionne avec les notions fondamentales d'"individu" et de "progrès" linéaire, qui sont conçues dans la perspective de la "libération de l'individu" et, dans la dernière phase, dans la perspective de la "libération de l'individu" et du passage au posthumain, au cyborg, au mutant, au rhizome, au clone. C'est d'ailleurs le principe d'individualité qu'ils considèrent comme universel.

Sur ces questions, l'idée multipolaire s'écarte nettement de la ligne principale du postmodernisme et affirme la société, la personnalité collective, la conscience collective (E. Durkheim) et l'inconscient collectif (C. G. Jung) au centre des choses. La société est la matrice de l'être, elle crée les individus, les peuples, les langues, les cultures, les économies, les systèmes politiques, le temps et l'espace. Mais il n'y a pas qu'une seule société, il y en a plusieurs et elles sont incommensurables entre elles. Ce n'est que dans un seul type de société, l'Europe occidentale, que l'individu est devenu la "mesure des choses" sous une forme aussi absolue et complète. Dans les autres sociétés, il ne l'est pas et ne le deviendra pas, parce qu'elles sont organisées de manière totalement différente. Et chaque société doit se voir reconnaître le droit inaliénable d'être ce qu'elle veut, de créer la réalité selon ses propres conceptions, en donnant ou non une valeur supérieure à l'individu et à l'être humain.

Il en va de même pour le "progrès". Le temps étant un phénomène social, il est structuré différemment dans chaque société. Dans une société, il contient une escalade du rôle de l'individu dans l'histoire, alors que dans une autre, il n'en contient pas. Il n'y a donc pas de prédétermination à l'échelle de toutes les sociétés de la Terre en ce qui concerne l'individualisme et la post-humanité. C'est probablement le destin de l'Occident, lié à la logique de son histoire, mais pour d'autres sociétés et peuples, l'individualisme est indirectement pertinent et, s'il est présent dans leur culture, c'est généralement sous la forme d'attitudes coloniales imposées de l'extérieur et étrangères au paradigme des sociétés locales elles-mêmes, mais c'est l'universalisme colonial impérialiste de l'Occident qui est le principal opposant à l'idée multipolaire.

En utilisant les termes de la géopolitique, nous pouvons dire que le multipolarisme est une version terrestre, continentale et tellurique du postmodernisme, tandis que le mondialisme (ainsi que l'antimondialisme) est sa version maritime et thalassocratique.

C'est pourquoi, pour conclure mon intervention, je pense qu'il est nécessaire de se concentrer sur notre étoile en tant qu'exemple, leader et vision d'un avenir multipolaire : le seul possible, le seul avec la justice, avec la réalisation intégrale de l'être humain, avec un horizon de prospérité pour toutes les terres de la Terre.